Le courant continu, un levier inattendu pour la transition énergétique
- Le courant continu, un levier inattendu pour la transition énergétique
Longtemps éclipsé par le courant alternatif (CA), le courant continu (CC) fait un retour remarqué, porté par des innovations technologiques et les défis de la transition énergétique. Déjà en pleine expansion pour le transport d’électricité, il s’impose progressivement dans nos maisons, bâtiments et infrastructures. Pourquoi ? Parce qu’il pourrait réduire significativement les pertes d’énergie, optimiser nos consommations et transformer le rapport entre énergie primaire et énergie finale.
Un vieux rival aux atouts modernes
Historiquement, le courant alternatif s’est imposé au XIXe siècle pour alimenter le monde en électricité. Sa facilité à être transformé en haute ou basse tension grâce à des transformateurs en a fait la norme. Mais les temps changent :
- Le CC est aujourd’hui plus performant pour transporter de l’énergie sur de longues distances. Avec moins de pertes que le CA, il est utilisé pour relier des parcs éoliens offshore ou interconnecter des réseaux transfrontaliers.
- Beaucoup de nos appareils fonctionnent naturellement en CC : téléphones, ordinateurs, LED, batteries et même panneaux solaires produisent directement du courant continu. Actuellement, nous gaspillons de l’énergie dans des conversions inutiles entre CA et CC.
Exemples concrets : le quotidien et les grands projets
Des bâtiments qui optimisent l’énergie :
- Le bâtiment Wave à Lille, qui utilise un réseau interne en courant continu alimenté par des panneaux solaires, illustre cette tendance. Grâce à des prises USB-C intégrées et l’absence d’adaptateurs CA-CC, il économise de l’énergie dès l’usage.
- Des quartiers entiers, comme ceux en cours de développement aux États-Unis, utilisent des mini réseaux en CC pour optimiser la production locale d’énergie solaire et son usage.
Des infrastructures emblématiques :
- Aux Pays-Bas, une autoroute en courant continu utilise l’énergie solaire captée par des murs antibruit pour alimenter lampadaires et feux de signalisation. Résultat : une indépendance presque totale vis-à-vis du réseau national saturé.
Des économies dès l’installation
Un réseau en courant continu nécessite seulement deux fils au lieu de trois ou quatre, réduisant le coût des installations jusqu’à 15 %. En usage quotidien, la suppression des conversions entre CA et CC permettrait des économies d’énergie dépassant 20 %. Ces gains, combinés à la production d’énergie renouvelable locale, rendent le CC particulièrement attractif pour des projets durables. Outre ces économies, on ne peut s’empêcher de penser aux économies de ressources que cela pourrait engendrer sur les matériaux rares qui composent aujourd’hui nos réseaux.
Un exemple concret : le chargeur universel
L’introduction du chargeur universel USB Type-C, prévue pour 2024, illustre bien cette tendance. Tous les appareils électroniques de petite et moyenne taille devront s’unifier autour de ce standard, qui utilise du CC pour recharger. Cette mesure réduit les déchets électroniques tout en limitant les conversions énergivores entre CA et CC. Elle reflète une prise de conscience globale : l’efficacité énergétique et la simplicité passent par le courant continu.
Un exemple tout simple et pour tout le monde : les chargeurs d’ordinateurs portables sont lourds parce qu’ils utilisent un convertisseur AC-DC. C’est complètement fou ! Nous produisons du courant continu que l’on transforme en alternatif que l’on retransforme de nouveau pour notre PC portable qui fonctionne sur batterie. Alors qu’un simple câble USB-C suffit (et peut servir au passage au téléphone portable, à l’enceinte Bluetooth, aux écouteurs connectés etc.)
Un décret a par ailleurs été mis en place à l’échelle européenne pour s’assurer que cette transition puisse se faire progressivement.
Courant continu, énergie finale et énergie primaire
Dans les discussions sur l’efficacité énergétique, le rapport entre énergie primaire (l’énergie produite, avant pertes) et énergie finale (celle réellement consommée) est central. Actuellement, les pertes sur le réseau et les conversions CA-CC gonflent le besoin en énergie primaire pour une même quantité d’énergie finale.
Avec moins de pertes grâce au CC, ce rapport serait amélioré :
- Moins d’énergie serait nécessaire à la source pour fournir la même quantité d’électricité à un utilisateur final.
- Cela contribuerait à réduire l’empreinte carbone du système énergétique global et à respecter les objectifs climatiques.
Un avenir prometteur, mais progressif
Le CC ne remplacera pas le CA du jour au lendemain, tant les infrastructures existantes sont massives. Mais il trouvera sa place dans :
- Les réseaux locaux et bâtiments optimisés pour les énergies renouvelables (solaire, éolien).
- Les microréseaux dans les pays émergents où les infrastructures électriques sont encore limitées.
- Les projets industriels et de transport où l’efficacité énergétique est clé.
Un lien avec le DPE : une évolution envisageable
La méthode 3CL utilisée pour les diagnostics de performance énergétique (DPE) en France ne prend actuellement pas en compte les installations fonctionnant en CC. Cependant, avec la transition énergétique et l’intégration croissante du CC dans les bâtiments, on pourrait envisager une évolution de cette méthode. Si, à l’avenir, des appareils ou installations fonctionnant en courant continu deviennent plus courants, cela pourrait avoir un impact sur l’un des cinq usages diagnostiqués dans un DPE, notamment si ces installations utilisent de l’électricité pour fonctionner. L’incorporation de ces nouvelles technologies dans les normes DPE pourrait ainsi permettre une meilleure prise en compte de leur efficacité énergétique, et, in fine, influencer les résultats des diagnostics pour les bâtiments adaptés à cette nouvelle réalité énergétique. Aujourd’hui si le coefficient entre énergie finale et énergie primaire est de 2.3, imaginons sur certains postes de dépenses ce que ça donnerait s’il était de 1.5.
En résumé
Le courant continu, soutenu par les progrès technologiques, se positionne comme une solution majeure pour améliorer l’efficacité énergétique, réduire les pertes et intégrer les énergies renouvelables. De nos appareils du quotidien aux grands projets d’infrastructure, il promet de transformer notre façon de produire, transporter et consommer l’électricité. La révolution électrique est peut-être silencieuse, mais elle est bel et bien en marche.